La consommation de substances psychoactives en entreprise est un sujet trop souvent considéré comme sensible. Pourtant, elle peut avoir des impacts importants sur les salariés et le collectif de travail (diminution de la performance, dégradation des relations entre collègues, accroissement du risque d’accident du travail, désinsertion professionnelle…), ainsi que sur l’entreprise (coût financier, effet sur l’organisation et sur la productivité…) et engager la responsabilité de l’employeur.
Il est donc nécessaire d’agir en initiant une démarche de prévention des conduites addictives qui doit être collective et s’adresser à l’ensemble des salariés.
Vous trouverez dans cet article des informations et outils pour vous aider à prévenir les conduites addictives et à prendre en charge des situations de consommation de substances psychoactives en milieu professionnel.
Pour aller plus loin, le CMSM peut vous accompagner dans votre démarche de prévention et sensibiliser vos équipes dans le cadre de sessions d’information. Cet accompagnement est inclus dans votre cotisation.
RAPPELS SUR LES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES - SPA
Le principe : tirer parti des effets de base des SPA
- Favoriser la communication
- Soulager, oublier les souffrances (physiques et/ou psychiques)
- Augmenter son niveau d’énergie
- Stimuler ses perceptions
- S’adapter à un environnement
- Se détendre
- Éviter les syndromes de manque
Addiction
« Processus par lequel un comportement, pouvant permettre à la fois une production de plaisir et d’écarter ou d’atténuer une sensation de malaise interne, est employé d’une façon caractérisée par l’impossibilité répétée de contrôler ce comportement et sa poursuite en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives. »
« Envie répétée, compulsive et irrépressible d’un comportement (craving) malgré les conséquences négatives. »
Substances psychoactives (SPA)
Les substances psychoactives peuvent être des produits licites ou illicites qui :
- Ont une action chimique sur le cerveau
- Peuvent modifier le comportement, les émotions, les sensations, les perceptions, l’humeur et la vigilance
- Peuvent engendrer une dépendance
- La dépendance psychique :
→ liée aux effets positifs du produit (notion de plaisir ou de moyen d’écarter une sensation de malaise)
- La dépendance physique :
→ notion de sevrage avec une modification de la chimie du cerveau qui oblige à consommer toujours plus pour rechercher le même effet
- La dépendance comportementale :
→ liée aux habitudes de consommation et associations (envie de fumer avec café ou alcool,…)
Il existe des troubles de l’usage :
- Avec substance(s)
- Sans substance tels que les jeux de hasard et d’argent, le sport, le sexe, la nourriture, le travail, les écrans (jeux-vidéos, réseaux sociaux, internet, etc.), les achats compulsifs…
- Il peut également y avoir des poly-consommations associant des troubles de l’usage avec ou sans substance.
Les substances psychoactives peuvent être des produits licites ou illicites.
On les classe en 3 catégories selon leurs effets.
DÉTERMINANTS DES CONDUITES ADDICTIVES
« Nous ne sommes pas égaux face au produit et face à l’environnement. »
COÛTS GÉNÉRAUX DE LA CONSOMMATION DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
On estime ce coût à 250 milliards d’euros par an !
(chiffres de 2010 pas d’autres études menées depuis, étude de Kopp en 2014)
Les coûts sont calculés sur la base de :
- Dépenses de santé,
- Dépenses pour la prévention,
- Coût des vies humaines perdues ou handicapées,
- Comportements antisociaux, violences,
- Dépenses publiques engagées pour la répression,
- Pertes de revenu, pertes de productivité (absentéisme, arrêt maladie, accident du travail).
- Alcool
120 milliards d’€ / an dont 7,7 milliards pour les finances publiques
- Tabac
120 milliards d’€ / an dont 25,9 milliards de dépenses publiques
- Substances illicites
8,7 milliards d’€ / an dont 1,5 milliards de dépenses publiques
Source : Kopp P., Coût social des drogues, OFDT, 2015
CONSOMMATION DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES : CHIFFRES, EFFETS...
Les plus addictogènes
- Le tabac
- L’héroïne
- La cocaïne
- L’alcool
- Le cannabis
Les plus consommés
- Le tabac : 14 millions de consommateurs réguliers
- L’alcool : 3,4 millions de consommateurs réguliers soit 11 % de la population des 18-75 ans
- Le cannabis : 1,5 millions de consommateurs réguliers
- La cocaïne : 150 000 consommateurs à divers degrés
- L’héroïne : 100 000 consommateurs réguliers soit 1,4 % de la population des 18-75 ans
Baromètre de Santé Publique 2014 et OFDT 2019
- 1ère substance consommée en France
- 3,4 millions des 18-75 ans à risque chronique
- 50 000 décès chaque année (maladies)
- Risque d’accidents routiers x 8,5 soit près de 5000 personnes atteintes en 2016 dont ~1000 décédées
- 7,7 % des actifs consomment quotidiennement de l’alcool
- Impliqué dans 10 à 20 % des accidents du travail avec 45 % de décès
Source : Drogues et chiffres clés 8e Edition de l’OFDT juin 2019
Effets à court terme :
- Euphorie
- Désinhibition
- Sensation de détente
- Diminution des réflexes
- Vision et audition déformées
- Altération du jugement
- Conduites à risque
- Troubles de l’équilibre et risques de chute
- Effet « gueule de bois »
Effets à moyen et à long terme :
- Atteintes digestives
- Atteintes hépatiques
- Atteintes neurologiques
- Atteintes cardio-vasculaires
- Troubles psychiatriques
- 3ème substance consommée et 1ère substance illicite vendue
- 4 millions de personnes en France dont 1 million des 18-64 ans avec un usage quotidien
- 23 % des 18-25 ans ont consommé dans l’année
- 45 % des 18-64 ans, au moins une fois dans leur vie
- 6,9 % des actifs consomment du cannabis en cours d’année
- Risque d’accidents routiers multiplié par 1,8
Sources : Baromètre santé 2017, Etude SAM et Drogues et chiffres clés, 8e Edition de l’OFDT juin 2019
Effets à court terme :
- Désinhibition
- Sensation de détente
- Euphorie
- Somnolence
- Vision et audition déformées
- Diminution des réflexes
- Altération du jugement
- Conduites à risque
- Troubles de l’équilibre et risques de chute
- Hallucinations
- « Bad-trip » (crise d’angoisse)
Effets à moyen et à long terme :
- Atteintes cérébrales
- Troubles psychiatriques (paranoïa, hallucinations)
- Atteintes cardiaques
- Atteintes pulmonaires
- Atteintes digestives
Et le CBD ?
Abréviation de cannabidiol, c’est l’un des cannabinoïdes contenus dans le cannabis.
Il n’aurait pas d’effet stupéfiant et est consommé comme alternative au tabac et/ou cannabis (effet apaisant recherché) ou à des fins thérapeutiques.
On le trouve sous forme d’huile, de e-liquide, de produits cosmétiques, capsules, pâtes, produits alimentaires, suppositoires, graines.
Un seul médicament contenant du CBD est actuellement commercialisé en France (dans le cadre de maladies épileptiques) et la molécule est à l’étude pour un grand nombre d’autres indications (troubles psychiatriques, maladies inflammatoires, douleurs rhumatismales…).
En l’état actuel des connaissances, l’effet du CBD sur la capacité et l’aptitude à conduire est considérée comme négligeable. Toutefois, du THC en quantité négligeable peut être contenu dans les produits en vente libre. Il peut être détecté au test salivaire et conduire à un retrait du permis de conduire.
Attention, lorsqu’il est fumé, le CBD expose, comme le tabac ou le cannabis, à un risque accru de maladies cardiopulmonaires.
La combinaison Alcool + Cannabis augmente les risques !
- Effet de potentialisation entre les deux produits
- Des études montrent que la consommation de cannabis augmente la quantité d’alcool consommée
- 9 % des 18-25 ans consomment les deux substances occasionnellement ou régulièrement
- Le risque d’accidents routiers est multiplié par 15
Source : Drogues et chiffres clés 8e Edition de l’OFDT juin 2019
- Existe sous 2 formes : cocaïne et crack ou free base
- Environ 4 % des 18-64 ans ont déclaré avoir déjà consommé de la cocaïne
- 250 000 usagers occasionnels ou réguliers dont 25 000 jeunes (18-25 ans) ayant eu une 1ère expérience
Source : INPES 2014. Drogues et conduites addictives
Effets à court terme :
- Sensation de puissance
- Euphorie
- Augmentation de la productivité et diminution de la sensation de fatigue
- Conduites à risques
- Troubles du comportement (violence, agressivité, hallucinations…)
- Atteintes neurologiques (AVC, hyperthermie, convulsions…)
- Atteintes cardiovasculaires (hypertension artérielle, infarctus du myocarde)
Effets à moyen et à long terme :
- Atteintes cardiovasculaires
- Atteintes ORL (nécrose de la cloison nasale, cancers ORL)
- Troubles psychiatriques (état dépressif, anxiété, risque suicidaire, agressivité, insomnie, psychose cocaïnique (prisée ou sniff))
- Atteintes digestives (perte de l’appétit, de poids, dénutrition)
- Produits agissant sur l’activité cérébrale
- Difficile de faire la part entre la consommation encadrée sur ordonnance et le mésusage
- Souvent pris dans le cas de poly-consommations pour atténuer les effets des autres produits
- En France, 3,8 millions de consommateurs réguliers de médicaments psychotropes et 8,9 millions de consommateurs occasionnels
- 3,3 % des accidents routiers (2010)
Source : Drogues et chiffres clés, 8e Edition de l’OFDT juin 2019
Les médicaments psychotropes opioïdes et non opioïdes
Effets à court terme :
- Euphorie
- Désinhibition
- Sensation de détente, d’extase
- Sensation de maintien d’un état de veille
- Vision et audition déformées
- Somnolence, diminution des réflexes
- Altération du jugement et diminution de la vigilance
- Conduites à risque
- Troubles de l’équilibre et risques de chute
- Troubles de la mémoire
Effets à moyen et à long terme :
- Atteintes cardio-vasculaires
- Atteintes respiratoires
- Atteintes neurologiques
- Troubles psychiatriques
- Atteinte digestives
LIENS ENTRE CONSOMMATION ET TRAVAIL
→ De l’usage à la dépendance, les consommations addictives concernent plus de 20 millions d’actifs parmi les 29 millions en France (salariés du privé ou agents de la fonction publique, en CDI comme en CDD).
→ 1/3 des fumeurs réguliers, 9 % des consommateurs d’alcool et 13 % des consommateurs de cannabis déclarent avoir augmenté leurs consommations à cause de problèmes liés à leurs situations professionnelles au cours des 12 derniers mois.
Sources : Rapport de l’Académie nationale de médecine, addictions en milieu professionnel (2017) ; Baromètre INPES 2010
Le travail peut être un facteur :
- Déclenchant
- Aggravant
- Protecteur
L’importation : consommation importée de la vie privée du salarié
L’acquisition : consommation en lien avec le milieu professionnel (disponibilité des produits, présence de SPA lors des pauses, pots en entreprise…)
L’adaptation : idée de « dopage » pour tenir au quotidien, faire face au stress, douleurs récurrentes, tenir le rythme…
Sur le salarié
Sur le collectif
- Augmentation de la charge de travail
- Diminution globale de la production au sein de l’unité et impacts potentiels sur d’autres services
- Mise en danger
- Tensions, conflits, violences…
Sur l’entreprise
RÈGLEMENTATION SUR LA CONSOMMATION DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES EN MILIEU DE TRAVAIL
⇒ Obligation de sécurité et de résultats (ou de moyens renforcés) pour l’employeur
Article L 4121-1 du Code du travail : L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
⇒ Chaque salarié est garant de sa propre santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres
Article L 4122-1 du Code du travail : Chaque travailleur doit prendre soin […] de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres…
Un salarié peut légitimement avertir l’employeur en cas de comportement suspect d’un collègue et exercer son droit de retrait s’il estime qu’il y a un danger pour sa propre sécurité (conduite d’engins, manipulation de matériels dangereux par exemple).
Article R 4228-20 du Code du travail : Seuls la bière, le vin, le cidre et le poiré sont autorisés sur le lieu de travail.
⇒ Une amende maximale de 3750 euros par salarié est prévue en cas de non respect.
Article R 4228-21 du Code du travail : Il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse.
⇒ La responsabilité civile et pénale de l’employeur peut être engagée en cas d’AT.
Article R 4228-20 du Code du travail : L’employeur peut interdire ou limiter la consommation d’alcool dans son entreprise afin de garantir la santé et la sécurité des salariés. Les mesures doivent être proportionnelles au but recherché (à inscrire dans le règlement intérieur, à défaut, dans une note de service).
Le pot ou le repas d’entreprise est un moment de convivialité qui contribue à renforcer les liens du collectif de travail.
Pour autant, si la consommation de boissons alcoolisées est autorisée, elle peut constituer un facteur de risque pour la santé et la sécurité des salariés.
Pour que cet événement se déroule de façon responsable, un certain nombre de précautions d’encadrement sont conseillées.
COMMUNIQUER
-Sur les règles applicables à l’organisation d’un pot en entreprise
-Sur les risques (liés à la conduite, aux interactions médicaments – alcool…)
PLANIFIER
-Privilégier le moment du déjeuner
-Définir une durée
-Prévoir de quoi se restaurer
ENCADRER
-Limiter les consommations
-Prévoir une procédure pour le retour des salariés ou reprise du poste si pas en état
LA DÉMARCHE DE PRÉVENTION
⇒ Passer d’une démarche individuelle à une démarche collective
⇒ Déployer une vraie stratégie de prévention, ne plus gérer seulement au cas par cas
⇒ Impliquer l’encadrement et les représentants du personnel
Pourquoi?
⇒ Connaitre les risques
⇒ Oser en parler
⇒ Ne pas stigmatiser
Sous quelle forme ?
Sensibilisation des managers et salariés, affiches, information dans le livret d’accueil, relai des campagnes de santé publique…
- Evaluation et intégration du risque dans le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels : identifier les facteurs de risques et mesures de prévention / s’appuyer sur les déterminants professionnels (voir notre fiche pratique)
⇒ Possibilité d’assister à nos sessions d’informations si besoin : Document Unique, Risques Psychosociaux…
- Règlement intérieur : mentionner si les consommations de boissons alcoolisées sont autorisées ou non, l’organisation éventuelle de dépistage, les sanctions… (voir notre fiche pratique)
- Protocoles en cas de troubles du comportement (voir notre procédure de prise en charge d’un trouble du comportement aigu ; notre fiche constat d’un trouble du comportement aigu ; notre fiche constat d’un trouble du comportement récurrent ; la notice d’utilisation des fiches constat)
- Procédure d’alerte des secours (voir notre fiche réflexe)
FOCUS : Dépistage sur le lieu de travail
Sur les postes de sécurité, préalablement identifiés et inscrits dans le règlement intérieur :
- Ethylotest (DRT n°5-83 du 15 mars 1983)
- Test salivaire (CE, 5 décembre 2016, n°394178)
⇒ En présence d’un témoin et possibilité pour le salarié de demander une contre-expertise
⇒ En cas de refus ou résultat positif = sanctions disciplinaires prévues par le Règlement Intérieur
- Communiquer les numéros d’aide
- Possibilité d’orienter vers le médecin du travail
- Préparer le retour du salarié (entretien avec le manager, aménagement de poste, application des recommandations du médecin du travail, etc.)
Ne pas juger, ne pas culpabiliser !
En post crise
→ Prévoir un entretien à court terme avec le salarié
→ Transmettre la fiche constat à son centre de santé au travail
→ Prise de contact directement avec le médecin du travail (mail à privilégier)
→ Possibilité de planifier une visite à la demande de l’employeur ou du salarié
→ Possibilité pour le médecin du travail d’organiser une visite à sa demande
On peut vous accompagner !
Ressources pour aller plus loin
INRS : http://www.inrs.fr/risques/addictions/ce-qu-il-faut-retenir.html
ADDICTAIDE : https://www.addictaide.fr/
GOUVERNEMENT : https://www.drogues.gouv.fr/lessentiel-addictions-milieu-professionnel
ANPAA – Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie : https://www.anpaa.asso.fr/